CAFÉ-CONCERT

CAFÉ-CONCERT
CAFÉ-CONCERT

CAFÉ-CONCERT

À l’origine simple café où le plaisir de consommer était agrémenté par le spectacle de quelque chanteur ou bateleur de passage, le café chantant, qui fut d’abord la spécialité du boulevard du Temple à Paris, émigra à la veille de la Révolution sous les galeries du Palais-Royal. Fermé sous l’Empire, car il provoquait la suspicion policière, il réapparut sous la monarchie de Juillet, conquérant peu à peu les boulevards parisiens et même, l’été, les Champs-Élysées (en 1845, ouverture du café des Ambassadeurs et du café Morel, futur Alcazar d’été). Avec le second Empire, le café-concert, appellation qui remplace peu à peu celle de café chantant, devient une institution parisienne: entre 1860 et 1870, plus de cent établissements «chantants» se sont ouverts dans la capitale. Ce succès tient à plusieurs facteurs: la fermeture par décision de police des sociétés chantantes ou goguettes, dont le mauvais esprit et l’opposition à l’Empire étaient notoires; désormais, le café-concert sera le seul lieu où il soit possible de chanter en public; la prospérité économique et le climat affairiste du Paris de Haussmann rejaillissent sur tout un peuple de boutiquiers, d’artisans et de commerçants à la recherche de spectacles s’accordant avec leurs aspirations; enfin, les transformations du café-concert — en 1867, l’autorisation est accordée aux artistes de se produire en costumes et d’utiliser des accessoires — contribuent à accentuer son caractère de salle de spectacles et à augmenter son attrait.

L’introduction de l’esprit mercantile dans l’univers chansonnier, la production de la chanson aux fins d’un spectacle apportèrent des modifications considérables à un genre qui avait été jusque-là préservé. Pour retenir l’attention du spectateur venu se distraire en sirotant une eau-de-vie de cerise pour un prix modique, inutile de travailler dans la nuance ou la demi-teinte: il fallait faire rire ou pleurer en misant sur les effets les plus immédiats, les plus «gros». Les thèmes, les modes musicaux et la gestuelle étaient commandés par ces exigences premières. Aussi le répertoire de café-concert, d’un conformisme éprouvé, fut-il rapidement délimité et enfermé dans des genres bien précis: la romance, puis la valse lente, la chanson-scie, la chanson patriotique, qui triompha après 1871 et revint à la mode à l’approche du premier conflit mondial, la chanson scatologique (pour les interprètes masculins) ou à sous-entendus (pour les interprètes féminines), la chanson troupière interprétée, vers la fin du siècle, par des «tourlourous» en uniforme, la chanson réaliste... Les artistes devaient renouveler très souvent leur répertoire, et les chansons à succès étaient répandues à des milliers d’exemplaires par les «feuilles à un sou», les «petits formats», illustrés par une foule d’artistes (Forain, Faria), imprimés au faubourg Saint-Denis surtout et vendus aux coins des rues. Entre deux tours de chants, on donnait des attractions de foire (l’avaleur de feu, la femme à barbe et le célèbre «Pétomane») et des sketches qui, en évoluant vers la pièce musicale, annonçaient le spectacle de music-hall.

Une hiérarchie s’était établie parmi les cafés-concerts, au sommet de laquelle se plaçaient les salles rivales du boulevard de Strasbourg, l’Eldorado, ouvert en 1861, et la Scala, inaugurée en 1876; non loin de là le Concert parisien et l’Alcazar d’hiver, qui s’installait sur les Champs-Élysées à la belle saison. Elles s’arrachaient les vedettes généralement engagées pour la saison entière, leur offrant des ponts d’or lorsqu’elles avaient pour nom Thérésa (1837-1913), la première chanteuse à défrayer la chronique, ou Paulus (1845-1908) le gambilleur, créateur d’En revenant de la revue et du Père la Victoire . Certains demeuraient fidèles à une salle, tel Dranem (1865-1935), le maître incontesté de la chanson «idiote», qui chanta vingt ans durant à l’Eldorado, ou le tourlourou Polin (1863-1927), tête d’affiche de la Scala. Félix Mayol (1872-1941), la dernière grande vedette du café-concert qui excella dans tous les genres et qui, avec Viens poupoule (1902), connut une des plus fortes ventes de petits formats, acheta le Concert parisien et lui donna son nom.

Mais, dès 1900, la concurrence du music-hall, qui avait l’avantage de mêler chansons, attractions de cirque et vaudevilles, se traduisit par des reconversions et des fermetures. Après la Première Guerre mondiale, l’essor du cinéma allait faire disparaître les derniers «caf’conc’».

café-concert [ kafekɔ̃sɛr ] n. m.
• 1852; de café(II) et concert
Anciennt Théâtre où les spectateurs pouvaient écouter des chanteurs, des fantaisistes, des comiques troupiers tout en consommant. cabaret; fam. beuglant. « S'initiant aux fadaises d'une opérette, aux inepties d'un café-concert » (Loti). Des cafés-concerts. Abrév. fam. Caf'conc' [ kafkɔ̃s ].

café-concert, cafés-concerts nom masculin Music-hall où le public consommait en écoutant des chanteurs, des fantaisistes. (Abréviation familière : caf'conc'.) ● café-concert, cafés-concerts (difficultés) nom masculin Orthographe Avec un trait d'union. - Plur. : des cafés-concerts.

café-concert
n. m. Anc. Café où se produisaient des artistes, des chanteurs. Des cafés-concerts.

café-concert [kafekɔ̃sɛʀ] n. m.
ÉTYM. 1852, Nerval; de 2. café, et concert.
Établissement où l'on assiste à un spectacle (musique de variétés, danses…) en consommant des boissons. Cabaret, music-hall, et aussi alcazar, 2. (vx). || Le café-concert a succédé au café chantant et est typique de l'époque 1900. || Musique, style de café-concert. Caf'conc'. || Des cafés-concerts.
1 Il y avait jusqu'à un phonographe (…) dont elles s'étaient amusées quelques jours, s'initiant aux bruits d'un théâtre occidental, aux fadaises d'une opérette, aux inepties d'un café-concert.
Loti, les Désenchantées, 1906, p. 43.
2 Le samedi soir, nous ne manquions jamais le café-concert. Le troupier, la divette, le fin diseur passaient sous un feuillage raide d'arbres de printemps après s'être mis, pour détailler le couplet, au pied de l'escalier de pierre (…)
Henri Calet, la Belle Lurette, p. 19.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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